Faire face à la Covid-19 dans les hautes terres de Madagascar
Updated: Aug 31, 2020
Comment s’adaptent les ménages et les femmes dans les zones rurales ?
Contribution de Gaudiose Mujawamariya, experte de la chaîne de valeur du riz et point focal Genre, et Irina Andrianina Tefy, assistante de recherche, Programme Politique, Systèmes d'Innovation et Évaluation d’impact d'AfricaRice
Au début du mois de mars 2020, alors que le monde était de plus en plus touché par la pandémie de Covid-19, nous pensions que Madagascar serait en quelque sorte épargnée, du fait de son statut insulaire. En outre, le gouvernement prenait des mesures préventives.
Mais depuis lors, la gravité de la pandémie augmente, et les effets possibles de la Covid-19 dans un pays déjà pauvre sont très préoccupants. Selon la Banque mondiale, la pauvreté et la malnutrition chroniques touchent respectivement 74 % [1] et 47 %[2] de la population du pays.
Les effets immédiats de la Covid-19 ont été associés aux mesures de confinement partiel et à la cessation de presque toutes les activités économiques, éducatives et sociales, tels que la perte de revenus résultant du chômage, en particulier dans les industries de transformation alimentaire dominées par le secteur privé. Le risque d'insécurité alimentaire dans les zones rurales était élevé en raison du retour des enfants scolarisés et des travailleurs dans leurs villages, de la restriction des mouvements affectant la main-d'œuvre et les marchandises, et d'un état d'anxiété généralisé.
Les résultats préliminaires d'une étude en cours─ menée collectivement dans le cadre du Programme Politique, Systèmes d’Innovation et Évaluation d’impact d’AfricaRice pour comprendre comment les ménages ruraux en général et les agricultrices en particulier font face à la Covid-19 ─ montrent que la pandémie n'a pas eu beaucoup d'effet sur la riziculture dans les hautes terres de Madagascar.
En effet, elle a coïncidé avec la fin de la saison de culture du riz. C'est un véritable soulagement, car le riz est la culture la plus importante du pays. Les ménages agricoles qui produisent du riz pour leur propre consommation ont déclaré disposer de quantités suffisantes, et ont choisi de stocker l’excédent de riz ou même de le vendre, profitant ainsi du prix de vente élevé. Une augmentation moyenne de 200 Ariary (0,053 $US) par kg a été constatée par rapport aux prix pratiqués avant le confinement.
Les ventes d'autres cultures vivrières ont également été observées, notamment le maïs, le soja et l'arachide. Les secteurs qui ont le plus souffert sont les produits périssables, notamment les légumes tels que le chou, les tomates, les haricots verts, etc. et les produits de l'élevage tels que le lait, dont les chaînes d'approvisionnement ont subi des perturbations et par conséquent, une chute des prix ─ jusqu'à un tiers du prix appliqué avant la pandémie.
L’accès aux semences de cultures qui étaient semées, comme les pommes de terre et les haricots de contre-saison, constituait un défi majeur, de même que l'approvisionnement en aliments pour animaux et en produits phytosanitaires, car ces produits étaient devenus coûteux.
Malgré les bénéfices tirés de la vente de riz, les ménages ruraux, principalement des femmes, ont vu leurs revenus baisser considérablement, en raison de la perte financière due à la fermeture temporaire des industries de transformation alimentaire, de petites entreprises de couture, des restaurants, etc. et à l'absence de marchés.
Pour faire face à de telles situations, la plupart des ménages ont décidé de réduire la consommation de riz par habitant et de produits non agricoles tels que la viande et le poisson. Malheureusement, même sans marché, les légumes sont rarement consommés dans les ménages. Les ménages prévoient la diversification dans un avenir proche, notamment en optant pour des cultures de contre-saison, en vendant des poulets et en s'engageant dans des activités non agricoles, entre autres.
Même si les femmes ont désormais plus de temps pour elles-mêmes en partageant les tâches ménagères, elles sont surtout préoccupées par l'augmentation de la consommation du ménage due au confinement, et par l'augmentation des conflits dans certains ménages entre les jeunes et les vieux, et avec les hommes qui sortent pour parier ou boire. Parallèlement, les préoccupations sanitaires augmentent concernant les femmes enceintes, par exemple.
Sans aucun doute, avec l’allègement du confinement et l’ouverture des marchés, la situation s’améliore et les producteurs peuvent bénéficier de l’augmentation des revenus. Cependant, la lutte contre la Covid-19 n’est pas encore gagnée et sa propagation dans les zones rurales devient un grave problème.
Outre le problème sanitaire, il est nécessaire d’anticiper le risque que les semences soient consommées dans les ménages ruraux du fait de l’insécurité alimentaire grandissante. Ainsi, l’approvisionnement en semences de qualité destiné aux paysans doit être préparé dès maintenant. Il est également important de sensibiliser les ménages ruraux sur la nécessité de maintenir une alimentation riche en nutriments pour renforcer leur système immunitaire.
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